Faut-il être vierge pour se marier ?
Mariage annulé : le TGI de Lille provoque la discorde sur la virginité.
"Scandaleuse", "atterrante", "une régression"... Les mots n'ont pas manqué pour dénoncer la décision du tribunal de grande instance de Lille, qui a annulé un mariage parce que l'épouse, contrairement à ce qu'elle avait prétendu, n'était pas vierge. Du côté des juristes, le ton est pourtant plus mesuré.
"Quasiment tombée en désuétude depuis la libéralisation du divorce en 1975, la nullité du mariage n'est plus enseignée à la faculté que comme une curiosité ", explique maître Eolas, avocat. Selon le juge Jean-Pierre Rosenczveig, "la question posée aux juges lillois n'était pas celle de la virginité au mariage ou celle de la chasteté avant la mariage, mais celle de savoir, pour annuler un mariage, si la mariée avait trompé son époux sur un élément essentiel".
Et selon maître Eolas, comme "l'épouse dit acquiescer à la demande d'annulation de son mari, (...) elle avoue devant le juge qu'elle savait que son hymen importait à son époux et qu'elle savait qu'elle ne l'avait plus". "Ce jugement ne dit absolument pas que le mariage d'une femme non vierge est nul, ni que la virginité est une qualité essentielle de la femme. Il dit ceci et rien d'autre : madame Y a menti à Monsieur X sur un point qu'elle savait très important pour lui. Elle savait que si monsieur X avait su la vérité, il ne l'aurait probablement pas épousée", explique encore le blogueur.
UN TROP GRAND LIBÉRALISME ?
Mais pour Jules, le problème n'est pas aussi simple. "Le droit ne dit pas quelles sont les qualités que doit réunir une personne pour faire un(e) bon(ne) époux(-se). Il se contente d'apprécier, concrètement, quelles qualités ont déterminé le choix concret d'une personne. (...) L'appréciation des 'qualités essentielles', donc, est subjective", explique-t-il.
En ce sens, la position du TGI de Lille "témoigne d'un grand libéralisme", du point de vue de Jules. "Un tel libéralisme est-il supportable ?, s'interroge-t-il. Car laisser l'individu maître de ses critères maritaux peut conduire à tenir compte d'éléments de la personne que le droit sanctionne par ailleurs. Ainsi, pour aller au plus brutal, de l'appartenance vraie ou supposée à une race, une ethnie ou une religion."
Sur ce point-là, la jurisprudence semble encore être flottante. Une décision du TGI du Mans, citée par Jules, avait ainsi établi une liste de qualités qui ne devaient pas apparaître comme essentielles, comme la race et... la virginité. "On voit bien là que le droit hésite entre une conception classique du mariage soumis aux impératifs de la société et la tendance (post-) moderne, qui est de le livrer à l'empire des aspirations individuelles", analyse le blogueur.